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Pedro Alves : Music Str’eat ou un salon littéraire…

Pedro Alves

Un article du 6 février dans le journal de Saône et Loire aura suffi à éveiller ma curiosité. Chalonnaise, je me suis alors rendue au Music Str’eat, restaurant de Pedro Alves. Lieu et personnage intrigants. Il est en cuisine et au service. Seul. Des livres sont posés ici et là. Il y a des disques d’or et de diamant aux murs, des photos avec et sans Pascal Obispo, des instruments de musique, une petite scène, les jouets d’une petite fille absente. Dans un monde où les chanteurs sont cuisiniers et les cuisiniers des stars TV, je touchais l’improbable. Et puis, il s’est mis au piano ; une composition incroyable sur un texte d’Hugo : Demain dès l’aube, poème à sa fille… À 18 ans, Pedro Alves intégra une grande école de spectacle « Studio Alice Dona » et fit des tournées avec diverses troupes pour apprendre son métier de chanteur. En 2000, il devint Aaron dans la comédie musicale aux millions d’albums vendus : Les dix commandements. 320 dates, plus d’un million et demi de spectateurs et 8 millions de disques vendus. Après ce tourbillon scénique et médiatique, il fut signé en solo, en 2003, par le PDG de Warner Music France. En 2008 il rejoignit la troupe de la comédie musicale Grease qui fit un triomphe à Paris au Théâtre Comédia, au palais des Congrès, à Bercy et durant 150 dates ensuite lors de la tournée. Pedro Alves passa alors à table…

Propos recueillis par Laure Rebois 

Victor Hugo s’adresse là à sa fille. Et vous venez de me dire que vous étiez muet d’amour pour la vôtre, incapable de lui écrire une chanson. Que cela reste le silence le plus bruyant de votre vie… Pourquoi et pourquoi ce texte ?

On peut tomber amoureux, aimer très fort, si fort que le temps devient incohérent, ses heures deviennent secondes, ses secondes deviennent semaines, si fort que la faim s’oublie, que le manque est sensible au point qu’il est capable de déclencher toutes ses alarmes en une seconde… aimer si fort qu’on dit « je t’aime » face à cette montagne de désir espérant en toute franchise recevoir l’écho de cet amour par un autre je t’aime…

Puis on le vit plusieurs fois, jamais face à la même montagne, mais toujours en finissant seul, comme un con sur son rocher…

Et, un jour, tu deviens père. Ce n’est plus une femme de ta vie que tu as en face, c’est ta vie, tout court. C’est tout, et toi tu n’es plus rien d’autre qu’un dieu vivant à ses yeux. Ni le suivant. Ni le précédent. Non. T’es pire. T’es tout aussi.

Tous les mots de la langue française ont été inventés avant la naissance de ma fille. Voilà pourquoi je n’arrive pas à écrire sur elle. Tout serait dépassé, imprécis… Un enchaînement de néologismes ferait peut être l’affaire, quoique. Le silence me va bien. Cela me permet de ne manquer aucune de ses respirations.

D’où le poème d’Hugo, que j’ai découvert après la naissance de Lily. Il m’a glacé le sang. Ma respiration s’est arrêtée net en lisant. Et comme à chaque fois qu’une émotion profonde me rend visite, j’ai besoin de composer une musique pour l’évacuer, et je l’ai fait.

Certains auteurs ont cette puissance, cette saloperie de manie talentueuse de nous faire porter un peu de leur fardeau sur les épaules !

Nietzche racontant ses maux de tête c’est sympa aussi, en moins de dix minutes tu sens ce qu’il raconte. Il m’a fait partager sa névralgie plus d’une fois, car comme j’aime comprendre j’y retourne moi ! Süskind, idem, avec ses flashs olfactifs !

Les mots sont puissants, et malgré ça ils sont faibles, car jamais on ne peut décrire précisément une émotion. Et je veux bien être approximatif avec la terre entière, mais pas avec ma fille, donc… page blanche.

Renaud a écrit Morgane de toi pour sa fille Lola, Johnny a chanté Laura…

Je connais tous les textes de Renaud depuis mon adolescence. Pour l’anecdote, je les ai connus avant d’écouter une seule chanson. J’avais acheté un livre avec la totalité des textes, à la même période où je lisais l’œuvre de Rimbaud et de Baudelaire sans même faire la différence… La plume de Renaud est si belle, si sensible, si originale.

Renaud écrit à l’encre de ses larmes et chante avec sa voix trempée dans le pastis, et c’est pour ça qu’on l’aime, c’est la France qui pleure et qui trinque à la vie en même temps. J’aime son humour pudique, celui qu’ont les gens bons qui veulent tout donner, mais rougissent à l’idée qu’on les remercie. Donc ils sortent une boutade afin d’éviter le retour d’émotion. Si Renaud avait écrit la bible, c’est en lui que j’aurai cru ! Je sais qu’il n’est pas écrivain, mais transmettre en vingt lignes ce que d’autres font en trois cents pages avec énormément de talent néanmoins, me laisse tout simplement admiratif. Alors même s’il ne veut plus chanter pour le moment, il serait tout de même agréable qu’il ait rapidement une furieuse envie d’écrire pour un portugais franc et pas maçon ! (rire)

J’ai bossé pour Johnny dans une autre vie, et c’est le même, il n’écrit pas, mais chante comme personne. Johnny à la ligne directe de la France profonde, il appelle, elle répond ! Tu lui fais chanter le programme de campagne d’une tribu d’illuminés sodomites collectionneurs de cafards empaillés, et c’est bon, on a encore pire en prochain président !

Ces mecs-là servent l’art mineur, même si je trouve qu’ils ne s’en servent pas assez.

Je trouve qu’ils devraient combattre bien plus contre la médiocrité qu’on nous fait bouffer du matin au soir, ce serait même un devoir.

Quand on est des rois, on doit se payer le luxe d’être en plus des modèles.

De Gaulle disait que les Français sont des veaux, peut être oui, mais des veaux capables de manger autre chose que du foin selon moi.

Il existe des correspondances connues entre un père et sa fille. Celles de Freud et sa fille sont parues l’année passée chez Fayard, Fitzgerald, Ernest Hylaire, Hugo, Dolto et son père… Lisez-vous des correspondances ?

Non je ne lis pas les correspondances, si belles puissent-elles être…

Je suis très pudique avec l’amour. Et j’aime l’idée de refermer la porte quand je soupçonne une telle complicité, un tel échange entre deux êtres.

C’est publié, ok, mais le mystère de leurs offrandes littéraires me suffit… shuuuut… laissons les s’aimer…

Et quand on voit où nous ont menées les correspondances entre Jésus Christ et ses Apôtres ! Entre autres du genre… Les livres se sont très bien vendus, mais quand c’est mal interprété c’est dangereux tout de même !

Revenons à Rimbaud et Baudelaire, que vous ont-ils apporté ?

Ils sont deux poètes appartenant au romantisme… Ce mouvement s’est décliné à travers tous les arts, dont la musique. Mozart, Beethoven… Cela incarne la liberté.

Rimbaud, Baudelaire et toute cette belle équipe de cuisiniers poétiques dont la France a les plus grandes étoiles, m’ont appris la simplicité.

Que dire sur eux ? Il suffit de lire et de respirer le souffle qui caresse notre visage à la fin de chaque phrase. Ça sent bon le beau et ça paraît si simple en même temps…

Ils ont inspiré les auteurs du monde entier, ce qu’ils représentent est époustouflant.

Ce que vous me demandez, c’est comme chanter derrière Pavarotti pour tenter de faire comprendre à quel point il chante bien…

La liberté ne signifie pas « absence de règles », c’est juste de savoir que ce qui nous rend heureux est possible à partir du moment où ça n’empêche pas le bonheur d’autrui.

Amour mis à part…

La liberté ne signifie pas « absence de frontière », le ventre de nos mères semble être un merveilleux pays de liberté de grandir et de vivre malgré une surface habitable fortement discutable !

Aujourd’hui il y a tant de règles, tant d’obligations, tant de devoirs, tant de contraintes, administratives, fiscales, religieuses, sociales et j’en passe, que le sens pur de la liberté est devenu un non-sens.

Seul l’argent peut à notre époque nous offrir une liberté totale, à condition qu’on en ait suffisamment pour s’en foutre.

Pour modifier le symbole même de notre république, à notre époque malheureusement, la liberté des uns s’arrête là où s’achète celle des autres.

Freud citait Nietzsche dans ses premiers écrits. Je vois des livres sur Nietzsche ici aussi.

C’est ma période adolescente ça.

Nietzsche m’a appris à penser, à voir les choses autrement, à sortir du carcan lié à mon éducation. Je ne suis pas seul dans ce cas. Et la lecture, la philosophie servent à cela : s’ouvrir, se questionner, se chercher et si possible se trouver.

Freud aussi a également contribué à cet élan, et Platon avec ses dialogues, m’a ouvert à la notion de courage, entre autres. Mais oui Nietzsche est à la genèse de certaines de mes réflexions et m’a ouvert le passage au monde des adultes.

L’art de la rhétorique manié par ces personnages nous permet de comprendre qu’il y a du stock sous le chapeau, qu’on peut pousser les limites de la pensée, loin, très/trop loin aussi parfois. Le cerveau humain est une machine puissante, et décryptée par ces philosophes, nous prenons de la force.

La poétique est une figure de style, un jeu agréable, où le but est de surprendre, de toucher, mais dans le terrain de jeu de Nietzsche, le but est de comprendre sans jamais arriver à une réponse implacable. Ce n’est même pas l’objectif, nous sommes là dans la thérapie humaine au sens large, dans un grand océan sans terre à l’horizon. D’ailleurs si la terre se profilait, il faudrait reculer, car le jeu est de naviguer en pleine tempête cérébrale.

Il y a dans ces auteurs, tout pour se perdre, et tout pour se trouver en même temps.

À l’instar de Nietzsche et Dostoïevski, Pennac considère que les enfants sont des êtres exceptionnels qui ont beaucoup de choses à nous apprendre, qu’ils sont plus proches de la vérité, que la notre : « Ce qui complique tout, c’est que la plupart des enfants font les enfants, et que presque tous les adultes jouent aux adultes. »Monsieur Malaussène. Pennac est aussi dans votre restaurant !

Adultes, enfants, en fait on peut surtout parler d’espèce humaine formatée, ou non.

Les adultes en règle générale ont appris à laisser leur instinct de côté et donnent les commandes de leur réflexion au savoir, et suivant le caractère erroné de ce savoir, suivant les capacités ou les incapacités intellectuelles de chacun, et bien ce qui sera complètement naturel et instinctif pour un enfant, deviendra compliqué et chargé de doutes pour un adulte.

Programmer une machine capable de défoncer un petit pois à deux mille kilomètres de là ou tailler un bonzaï au laser ne fait appel à aucun instinct. Donc à ce niveau-là nos enfants ne sont qu’un troupeau de ratés incapables de nous surprendre ! (rire)

Mais concernant les choses de la vie, l’amour, le bien-être et la communication entre membres de la même espèce, les enfants sont dans le juste.

Ce sont les enfants qui tiennent la famille Malaussène de Pennac. Les adultes ont également gardé en eux une grosse part de gosse, ce qui fait que l’on reste pendu à cette histoire, car tout peut arriver ; toute réplique improbable devient finalement possible et fauche le lecteur.

Mille fois j’ai éclaté de rire, car je ne m’attendais pas à telle ou telle tirade.

Pennac est sans aucun doute un enfant, car seul un enfant peut te surprendre autant en te rendant heureux.

Les droits imprescriptibles du lecteur selon Pennac dans Comme un roman paru chez Gallimard sont :

  1. Le droit de ne pas lire
  2. Le droit de sauter des pages
  3. Le droit de ne pas finir un livre
  4. Le droit de relire
  5. Le droit de lire n’importe quoi
  6. Le droit au bovarysme (maladie textuellement transmissible)
  7. Le droit de lire n’importe où
  8. Le droit de grappiller
  9. Le droit de lire à haute voix
  10. Le droit de nous taire

Qu’en pensez-vous ?

Dans la mesure où pour se sentir heureux on n’éprouve pas le besoin d’injecter de l’eau de javel dans les coussinets du chat de la voisine, que l’on ne rêve pas en secret de jeter des pavés du douzième étage sur un regroupement d’octogénaires « alzheimeristes », que la joie ne caresse pas nos chakras en imaginant une bombe atomique exploser en faisant briller les yeux de milliers de gosses éblouis face au joli champignon de toutes les couleurs valant très largement le feu d’artifice d’une ville de province surendettée, et bien, je pense qu’on a le droit de tout.

Vivre libre, sans règles, sans plans, on ne sait plus faire, et je ne suis même pas certain qu’on ait le droit de le faire…

On nous fait manger du passé et de l’avenir à tous les repas, finalement aujourd’hui n’existe plus, alors que pour les enfants, pour en revenir à eux, seul l’instant présent à de l’intérêt. Les adultes sont devenus des rescapés visionnaires, de fait, ils n’ont plus le temps de se sentir vivants.

Sauf si par chance on se coince une joue dans une porte de métro chargé à bloc, ou qu’on tente de se couper les ongles des pieds à la chevrotine pour tenter un truc, là, et seulement là, on peut encore avoir une vision globale et précise de l’instant présent. Mais ces moments agréables sont bien trop rares et je le regrette.

Quelle serait votre liste de droits ?

  1. le droit d’avoir aimé… même lorsque c’est fortement déconseillé par l’opinion publique

  2. le droit de ne pas aimer aussi
  3. le droit de recouvrir un livre de Christine Deviers-Joncour par une jaquette de Foenkinos, pour protéger son droit a l’image
  4. le droit d’ouvrir un livre en braille quand on veut dormir tranquillement derrière ses lunettes chez le coiffeur
  5. le droit d’annoter
  6. le droit de lire un second livre, quand l’unique de notre collection nous pousse à aimer Dieu plus que nos semblables
  7. le droit de lire dans les yeux de ceux qu’on aime
  8. le droit de recycler
  9. le droit de tourner les pages avec le nez, la langue ou les pieds pour les presbytes sans lunettes
  10. le droit de respirer les pages d’un vieux livre

Et les droits de Pennac aussi, je les aime !

Quels autres auteurs aimez-vous et pourquoi ?

Je ne suis pas toujours avec un livre à la main. Je lis plus que la moyenne et bien moins que les passionnés.

Alors bon, je connais les classiques imposés à l’école et bien heureusement. Ils permettent d’avoir une belle base et aiguisent les appétits. J’aime Hugo, Sagan, Süskind, Pennac, Baudelaire, Desproges, Bedos, Nietzsche. Vous voyez j’aime presque tout. (rire)

C’est difficile comme question en fait, car je suis capable de lire tout et n’importe quoi : la vie de Rimbaud et celle de Gérard Louvin, un livre de Maupassant comme celui de Patrick Sébastien.

Il est plus facile d’aimer un énorme auteur que l’on a vraiment lu, que de détester une soi disant merde que l’on n’a jamais eue entre les mains.

Je n’ai pas de préjugés, tout le monde a le droit au talent, les cadors ont tous au moins une œuvre mineure. Partant de là, les « mauvais » ne sont pas à l’abri de pondre une fois un truc énorme.

C’est important de lire, beaucoup moins de juger.

En ce moment je lis le dernier de Nicolas Bedos La tête ailleurs. Cet homme est bénéfique au bien-être ! Son sens de la dérision, sa vision des choses, sont agréables. Pour les assoiffés de bonne humeur, c’est un distributeur de coca dans un désert d’emmerdes !!!

Je n’aime pas le comparer à Desproges, car ce serait dévaloriser son talent, seuls les imitateurs sont heureux qu’on les compare ; lui c’est un personnage virtuose, ce n’est pas une plume qu’il a, c’est un cul de paon aux mille couleurs.

Quand il en sera à nous faire pleurer, il le fera comme personne.

J’ai lu l’interview qu’il vous a accordée, et j’ai été surpris par ses références littéraires ; pas vraiment les plus grands comiques du catalogue français, ce qui laisse penser qu’il a deux trois flèches bien cachées à tirer encore. Il a donc l’élégance de nous épargner ses blessures, son spleen, ou alors de nous faire rire avec. L’élégance et le talent, tout pour faire un boss.

En règle générale, les gens cultivés m’impressionnent, leur capacité à se souvenir de tout aussi.

Qu’ont-ils peur de ne pas savoir pour être à ce point obsédés par la consommation littéraire ? Que cherchent-ils ? La réponse à quoi ?

Les livres sont les trésors des auteurs qui les offrent au monde, et le trésor des lecteurs qui les découvrent comme s’ils étaient les premiers.

L’écriture est un art généreux, noble, que l’ont doit protéger à tout prix dans ce monde où le nettoyage de cerveau est bon pour le business des plus grosses entreprises.

À notre époque on ne brûle plus les livres, mais on fait en sorte de les remplacer par des outils technologiques, des émissions télévisées, des jeux, et c’est aussi grave !

Lire aide à penser, et penser aide à agir.

Attention à notre époque qui cherche à découdre ce vêtement cérébral, car ce sont nos cerveaux enrhumés qui finiront par être coupables de la merde dans laquelle on s’enfonce.

Vous êtes portugais. Parlez-nous de vos auteurs préférés ?

Je n’ai pas de références littéraires portugaises, malheureusement.

J’ai été élevé dans une famille obsédée par l’intégration. Mon frère s’appelle Jean-Paul, ma mère Alice, mes cousins sont des Didier, des Véronique, Céline…

On nous a fait marcher sur un chemin où la France est notre pays, loin des nostalgies du pays d’origine.

Je parle le portugais couramment bien entendu. J’aime ce pays. Mais il n’est pas le mien. Il est celui de mes ancêtres.

Alors je découvre aujourd’hui, sur le tard, les textes de Luis de Camoes chantés à merveille par Amalia Rodrigues la reine du fado, la personnalité hors du commun de Fernando Pessoa, la finesse d’Eça de Queiros et ses influences françaises. D’ailleurs j’ai lu il y a peu sur votre site, le Salon Littéraire, un article sur son roman 202, Champs-Élysées.

Le monde littéraire portugais sera mon prochain voyage. J’ai envie de reconstruire ce pont entre la France et le Portugal au travers d’un album de fado, mêlant la chanson française et les lettres portugaises.

Amour est feu qui brûle et que l’on ne voit pas ;
C’est blessure cuisante et que l’on ne sent pas ;
Ravissement qui ne sait pas ravir ;
Folle douleur qui ne fait pas souffrir ;

C’est ne plus désirer qu’un seul désir ;
C’est marcher solitaire dans la foule ;
Jamais n’avoir plaisir à un plaisir ;
Penser qu’on gagne alors que l’on se perd ;

C’est librement vouloir être captif ;
C’est, quand on est vainqueur, servir qui est vaincu ;
Rester loyal alors que l’on nous tue.

Mais comment ses faveurs font-elles naître
Une amitié entre les cœurs humains,
Si Amour à ce point est contraire à lui-même ?

Comment ne pas vouloir prendre la route vers Lisbonne, s’offrir une Ginginha à la terrasse de ses racines en lisant ce sonnet de Camoes ?

Je tremperai bientôt ma plume dans le bleu des azuléjos, la vie est belle tant qu’il nous reste des choses à apprendre après tout.

Écrivez-vous beaucoup ? Facilement ? Plus aisément une musique ou un texte ?

Écrire fait partie de moi, c’est dans mon mode de fonctionnement, c’est la destination finale de mes émotions.

Tout passe par là, mes projets, mes actes, mes souvenirs. Cette machine est continuellement en mode « on », je ne saurai d’ailleurs l’arrêter.

Je me laisse une totale liberté. Je ne fais pas de plan de route et n’ai encore moins de destination… Un mot, une phrase, quatre vers ou vingt pages, peu importe ce que ce sera au final, et ce fameux final n’a pas de date butoir.

Je consigne, j’éparpille, je sème et je laisse le temps arroser le tout.

La notion de travail n’intervient que lorsque je pense avoir balisé la route et grillagé la parcelle de jeu. À ce moment-là seulement je commence à penser, à tordre, à polir, à tailler.

Mon seul but est le plaisir de créer.

Que ce soit publié n’était pas mon moteur, et sur ce point, j’ai plutôt bien réussi mon coup ! (rire) Maintenant j’ai envie de faire connaitre mon travail, je me sens prêt à le faire, et je sais surtout que le but d’une œuvre est d’être partagée, sans quoi, elle perd de sa valeur.

La musique c’est encore autre chose, c’est ma première langue émotionnelle, au plus profond de mon âme, les mots sont des notes.

Un exercice mental tout à fait naturel et agréable se met en place lorsque j’écris un texte. Mais pour les musiques, c’est encore plus simple, je compose réellement comme je respire.

Mes notes coulent comme mes larmes, elles éclatent comme mes rires, elles vont au rythme de mes pensées, et m’emmènent aussi loin et aussi vite que peut aller mon regard.

Je vis une relation fusionnelle avec la création, c’est ma meilleure amie, ma confidente.

Sur un texte de quels auteurs contemporains français et portugais, aimeriez- vous composer ?

Alors là !

Un de mes rêves serait de faire un album entièrement écrit par des écrivains, Foenkinos, Joncour, de Rosnay, Sthers, Zeller, Bedos, Attal et j’en oublie, histoire de partir obligatoirement sur un terrain nouveau, avec d’autres codes d’écriture et se plier au jeu.

J’imagine déjà la richesse des sujets que l’on pourrait se permettre.

Sortir des sentiers battus, voler dans les plumes, abandonner les histoires d’amour sur les plages, les angoisses existentielles.

Nous pouvons aller plus loin dans les textes de chansons ; Brel le faisait, Ferré le faisait, Barbara le faisait, Brassens le faisait.

On peut dire énormément de choses en vingt lignes ; quand on voit qu’un seul mot est capable de changer une vie…

Alors vous avez le mot de la fin.

Il y en a un qui sert de solution à presque tout, qui résume mon enfance, ma vie, mon aujourd’hui et mes demains, qui est le regard de ma fille, ses rires et ses câlins, qui est l’essence de tous mes moteurs, le moteur de tous mes actes, le clic de ma montre et le clac qui danse avec, il est ma peine quand il se cache, le silence lourd de ceux qui nous quittent, il pousse à la folie tous ceux qui l’ignorent et aux portes du paradis tous ceux qui le donnent, il est si fort que de perdre la vie est moins pire que de le perdre lui… L’Amour.

Propos recueillis par Laure Rebois (février 2014)
© Photo : Yan Forhan

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2 commentaires

  1. Paul CHEVROT a dit :

    Quelle interview touchante. Quel artiste !!!!!

  2. Laeticia a dit :

    Une très jolie interview Merci Pedro et Merci Laure !

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