Dieu que la nature est bien faite, c’est ce qu’on pourrait se dire devant le talent de Sophie Lellouche ; mais c’est aussi le titre de son premier et seul court métrage réalisé en 1999 avec Gad Elmaleh. Il aura fallu attendre treize ans pour qu’elle s’essaye au long métrage. Paris-Manhattan est sorti le 18 juillet 2012. Avec Alice Taglioni, Patrick Bruel, Marine Delterme… et bien sûr, Woody Allen… Rencontre autour de cette référence.
Propos recueillis par Laure Rebois
— Dans Paris-Manhattan, Alice, pharmacienne célibataire, est une fan absolue de Woody Allen. Le poster de ce célèbre metteur en scène, face à son lit, n’est autre qu’une projection d’elle-même. Avez-vous déjà eu ce ressenti avec le personnage d’un roman ? Vous êtes-vous retrouvée à travers elle/lui ?
Nathan Zuckerman le héros de Philip Roth. Sans m’y retrouver totalement, ce héros me remue. Et aussi Aliocha Kamazarov.
— Avez-vous lu pendant le tournage et lors la phase d’écriture du scénario ?
J’ai lu essentiellement des biographies (Louis XI et Daniel-Henry Kahnwieler) et des essais : Parlons travail de Philip Roth, Réelles présences et Errata de George Steiner et Un cœur généreux d’Alain Finkielkraut.
— Alice est passionnée par l’œuvre d’Allen. Et vous, quel est l’auteur dont l’œuvre vous passionne ?
Dostoïevski, Shakespeare, Roth et Montaigne.
— De quel écrivain avez-vous tous les livres ?
J’ai lu tout Roth, pratiquement tout Dostoïevski, beaucoup de Shakespeare et les Essais. Je passe mon temps à relire ces œuvres, à faire des fiches et à les redécouvrir.
— Woody Allen, pour les films comme pour les livres, traite son sujet sur fond psychanalytique. Est-ce le genre de littérature qui vous plaît ?
J’aime les livres qui explorent la nature humaine, qui s’interrogent sur le sens de la vie. Alors oui, tout ce qui a attrait à la métaphysique et à la psychanalyse m’intéresse.
— Ce film est une comédie romantique… Quels livres de ce genre vous ont attiré ?
Aucun.
— Réalisateur, comédien, humoriste, scénariste, musicien, l’idole d’Alice dans votre film est aussi écrivain. Avez-vous lu ses 4 livres ?
Oui, j’ai lu ses livres et mon préféré est Dieu, Shakespeare et moi. C’est tout simplement savoureux, brillant et hilarant.
— Durant cette pause de treize ans, la littérature fut-elle une source d’inspiration ?
J’ai effectivement beaucoup lu, essentiellement des classiques ; ce n’est pas que la littérature contemporaine ne m’attire pas, mais c’est davantage une question de temps. Quand on commence une étude de Shakespeare, on s’engouffre pour plusieurs mois. D’autant que Shakespeare a été adapté au cinéma par de grands cinéastes comme Orson Welles ou Laurence Olivier.
Je ne sais pas ce qui m’inspire, si ce sont les personnages littéraires ou les thématiques. Une phrase de Pastorale américaine de Philip Roth m’a inspirée une réplique de Paris-Manhattan. Un mot peut donner lieu à une situation cinématographique.
— Quelle importance accordez-vous à l’objet qu’est le livre ?
Le livre est l’objet qui me rapproche le plus de moi-même. Je ne lis jamais sans un crayon ni sans avoir plusieurs heures devant moi. J’ai besoin de me plonger totalement dans l’univers de l’auteur. Et je conserve les livres parce que j’aime les relire.
— Quel est votre premier souvenir de lecture ? Et le dernier ?
Mon premier souvenir de lecture est La chartreuse de parme. Inoubliable ! Je n’ai jamais osé le relire tant le souvenir est merveilleux. Et le dernier livre est 21 rue de la Boétie d’Anne Sinclair. J’ai adoré. Ce livre m’a fait penser à Citizen kane.
— Quelle différence faites-vous entre scénariste et auteur ?
Je ne sais pas, je ne suis pas auteure. L’écriture d’un scénario passe d’abord par le visuel.
— Quels sont vos critères pour choisir un livre ?
Le principal critère est mon libraire. Ses choix ne m’ont jamais déçue. Grâce à lui, j’ai découvert des auteurs scandinaves, russes, argentins, américains…
— Seriez-vous prête, si vous trouviez LE roman, à l’adapter sur grand écran ?
Oui bien sûr, j’adorerais adapter un roman à l’écran !
— Avez-vous déjà été déçue par la retranscription en images d’un roman ? La déception dans ce sens n’est pas rare.
Souvent. Le seul film qui ne m’ait pas déçue est L’insoutenable légèreté de l’être et Ne le dis à personne.
— Qu’attendez-vous d’un livre en général ?
Qu’il me bouleverse.
— Est-il déjà arrivé que vous regrettiez un choix de roman ?
Non. J’abandonne le livre, c’est tout. Mais pas forcément parce qu’il est mauvais : soit je n’accroche pas, soit je manque de temps.
— Maintenant que votre film est sorti, vivez-vous la réalisation comme un nouvel espoir ou comme un souvenir ?
Un nouvel espoir évidemment !
(août 2012)
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